Le vin et Les tavernes dans le Paris médiéval

La taverne ou cabaret était premièrement un lieu où l’on buvait et les gens du moyen age buvaient beaucoup… cela valait pour toutes les classes de la société médiévale.

L’homme médiéval consommait 2 à 3 Litres de vin par jour, mais il faut noter que la teneur alcool était bien plus faible qu’aujourd’hui (7 ou 8° maximum). À leur décharge, l’eau était presque toujours polluée, les gens n’ayant guère le choix, ils consommaient des boissons fermentées.

Bonnes et mauvaises manières de boire,
valère maxime vers 1475



Les médecins de l’époque jouaient un rôle non négligeable dans l’augmentation et le rythme de la consommation. Arnaud de Villeneuve, médecin et théologien prétendait que :

« le bon vin sert de médecin »


Un verre de vin réconfort des malades,
Chapelle Saint Antoine à Clans (06)
Fresque, fin du XVe siècle
Les médecins reconnaissaient également des vertus à l’ivresse, préconisant se s’enivrer régulièrement jusqu’à deux fois par mois… en venaient même à conseiller le vin en cas de fièvre, il était aussi donné comme substitut au sang perdu par une femme venant d’accoucher ou encore permettait de combattre l’arthrite, la chute des cheveux… 
Sans oublier l’effet psychotrope afin de lutter contre la mélancolie… On mettait seulement en garde contre l’ivresse (coma éthylique) mais pas encore contre l’alcoolisme.
Cette prise de conscience fut réellement effective au XVIe siècle
La bible, plus sage, vante les vertus du vin, mais n’oublie pas de rappeler le côté nécessaire de la modération. Les passages de l’ecclésiastique sont éloquents :

« Avec le vin ne fais pas le brave, car le vin a perdu bien des gens. (…) Le vin c'est la vie pour l'homme, quand on en boit modérément.(…) Il a été créé pour la joie des hommes.
Gaîté du cœur et joie de l'âme, voilà le vin qu'on boit quand il faut et à sa suffisance.(…) L'ivresse excite la fureur de l'insensé pour sa perte, elle diminue sa force et provoque les coups. »

Même si l’ivrogne était montré du doigt, son péché restait bénin dès lors que le saoulard avait simplement sous-estimé sa résistance à la boisson. Le péché devenait mortel si ce dernier était coupable d'enivrement invétéré, passant son temps à la taverne en s’y ruinant, condamnant de ce fait sa propre famille à la misère.
Malgré la réalité sociale de l’époque, les moralistes s’évertuaient à considérer la taverne comme l’anti-chambre de l’enfer et la considéraient comme un véritable lieu de perdition.
Au XVe siècle , Paris compte plus de 200 tavernes, voici quelques extraits choisis d’un poème du recueil de Carmina Burana afin de vous faire une idée de l’ambiance :


Le péché de Gloutonnerie,
Livre d'heures, Poitiers, vers 1475





« Si vous regardez la maison de pierre
qui se dresse sur la place du marché
et que votre œil soit attiré
par un visage rubicond à l’intérieur,
les camarades vous crient :
« c’est une agréable auberge ici… »
(…)
Les compères vident
Des bouteilles entières
(…)
Ils sortent de la taverne en titubant,
tombent dans les fossés pleins de cresson… »







Dits et Faits mémorables,
de Valère Maxime, vers 1475
À l’époque, les dimanches étaient fort ennuyeux, l’église interdisait de travailler et les distractions intellectuelles étaient inexistantes. On préférait donc se divertir au cabaret en compagnie d’autres personnes afin d’y boire du vin ou de la cervoise.
Les tavernes étaient situées près des portes de Paris et autour des places, leur signe distinctif était le rameau de verdure et le cerceau joint à l’enseigne. Elles disposaient d’une grande salle commune garnie de tables et bancs et parfois aménageaient une chambre pour loger le voyageur épuisé (ou bien cacher les plaisirs illégitimes).
Grâce au poète François Villon, nous pouvons localiser le souvenir des tavernes parisiennes en vogue à cette époque.


François Villon - 1489
Aujourd’hui Paris 1er

« La pomme de pin » dans l’ancienne rue de la juiverie aujourd’hui rue de la cité (au cœur de l’île du même nom) François Villon l’appelait « le trou de la pomme de pin » et qualifiait cet endroit de « clos et couvert ». probablement la meilleure taverne de la capitale car la ville de Paris y achetait le vin qu’elle présentait lors des cérémonies d’accueil aux souverains (les joyeuses entrées !).
« L’image de Notre Dame » au coin de la rue aux ours et de la rue Saint Denis. Cette dernière était représentée avec un coup de couteau planté par un ivrogne ayant perdu au jeu son argent et ses vêtements.


Aujourd’hui Paris 4ème

« La Chasse » (Porte Baudoyer)
Cette porte se situait au croisement des rues François Miron et du Pont Louis-Philippe. 
La famille Turgis qui possédait « la pomme de pain » était également propriétaire de cette taverne.
Le « Grand Heaulme » et le « Petit Heaulme » (Porte Baudoyer)
Autour de la place de Grève (actuelle place de l’hôtel de ville) beaucoup de cabarets étaient bien achalandés, il s’agissait de l’endroit de passage des charrettes de condamnés importants en passe d’êtres exécutés. Un haut lieu de divertissement pour les Parisiens de l’époque ! C’est au « Grand Godet » qu’il fallait se retrouver dans ce secteur, on croisait les paresseux surnommés les « écoliers de Grève » et les plus gros buveurs étaient appelés les « notables chanoines de Grève »
La « Crosse » rue Saint-Antoine était un lieu que fréquentait François Villon.


Aujourd’hui Paris 5ème

La « Mulle » rue Saint jacques autre lieu que le poète François Villon a pu fréquenter afin de préparer un vol au collège de Navarre en compagnie de ses complices.


Aujourd’hui Paris 10ème

La taverne du « Barillet » ancienne Porte de Paris dans le quartier Saint Martin. On disait que Genevoys, procureur du châtelet de l’époque, « est plus vieux et a plus beau nez pour y boire ».
Les Voix de Paris - G.KASTNER


Le métier de tavernier permettait de vendre le vin au comptoir ou bien à domicile dans le cadre strict du commerce de détail (c’est-à-dire aux classes pauvres).
Nobles et Bourgeois n’avaient pas la contrainte de passer par les commerçants.
Chaque année, suite aux vendanges, le roi acheminait son vin à Paris et chaque tavernier recevait une quantité fixe à revendre.

Des jaugeurs effectuaient des contrôles sur la contenance des tonneaux afin d ‘éviter la fraude. Deux jaugeurs valaient mieux qu’un, car si le deuxième trouvait un résultat différent, il fallût faire appel à un troisième afin de parvenir à la conclusion d’un des deux premiers.
Le pot de vin (en étain ou en terre) avait une quantité calibrée et fixe d’environ un litre. Le pot était placé en rafraîchissoir car on aimait le vin très frais à l’époque.
Les crieurs avaient un rôle que l’on pourrait qualifier de rabatteur mais il était obligatoire : soumis à la réglementation et à la taxe du roi.
Ils étaient eux-mêmes responsables devant le prévôt des marchands de l’application des règles de vente du vin (saisir les fausses mesures des pots, les mélanges hasardeux et infliger les amendes).

Afin d’éviter toute connivence avec le tavernier, il était interdit d’avoir son crieur attitré, ce dernier après avoir effectué les contrôles d’usage, sortait dans la rue avec un broc et une tasse (ou hanap) afin de proposer des échantillons aux passants. Mais cela n’empêchait aucunement de vendre du vin médiocre, à condition de respecter le tarif et le cadre légal…

La taverne n’est pas un lieu exclusivement réservé aux hommes, les femmes la fréquentaient et buvaient entre elles : En page annexe, Le Fabliau des trois Dames de Paris nous l’illustre fort bien.
Beaucoup de tavernes accueillaient leurs clients après le couvre feu de Notre Dame, (bien qu’une ordonnance de 1350 l’interdisait) et le fait de boire ne constituait pas la seule occupation en ces lieux.

L'ivresse féminine, Watriquet de Couvin,
Le dit des trois dames de Paris, France, vers 1320
Les jeux de hasard (souvent impliquant les dés) avaient leur place et les jeux d’argent aux mises modérées convenaient très bien aux clients modestes qui peuplaient la taverne. C’était également un endroit propice aux menus prêts de piécettes…

Mais on pariait principalement sur qui payera la prochaine tournée !?

La taverne pouvait accueillir les ébats illégitimes, mais les buveurs y venaient aussi pour conclure des affaires, discuter, c’était un vrai lieu de sociabilité.
Le fait de boire n’étant pas un plaisir sans risque, l’ivresse pouvait engendrer des rixes mais il apparaissait que moins de 15% des homicides étaient dus à l’état d’ébriété du coupable ou de la victime.
La taverne semblait donc être entourée d’un certain respect, les injures et les gestes violents se déchaînaient plus volontiers à l’extérieur de l’établissement…

Je terminerai ce post, avec une citation des prédicateurs de l’époque au sujet de l’homme ivre

« Il lui semble voir ce qu’il ne voit pas, il lui semble que sa maison tourne et s’enroule sur elle-même… il ne sait plus se servir de sa langue, il ne sait pas parler, il ne sait pas ce qu’il dit, il balbutie, il se précipite, il tronque, il coupe les mots… il chancelle, il titube et comme un porc, il aime se vautrer dans la boue. »

Un discours qui n’a pas pris une ride…



[EXPO] A voir actuellement à la Tour Jean sans Peur
Le vin au Moyen Age (11 avril / 11 novembre 2012)










[VIDEO] Le vin au Moyen Age  par Danièle Alexandre-Bidon

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